En amont du stage « Pleine Conscience et Créativité » organisé par Stéphane Offort, Stéphane Faure et Isabelle Hernandez, qui se déroulera les 5 et 6 octobre 2013, je vous présente le texte écrit par Stéphane Offort.
Maintenant que la pleine conscience prend son essor et devient un terme de plus en plus reconnu et utilisé, nous voyons petit à petit son utilisation s’allier avec d’autres approches et champs d’activités.
Cette association entre pleine conscience et créativité a déjà été abordée de nombreuses fois et je n’ai aucunement la prétention d’y apporter quelque chose de nouveau ou de révolutionnaire. Mon intention étant plutôt de partager une expérience personnelle de la pleine conscience avec l’expérience de la créativité dans différents domaines au travers d’une réflexion.
C’est un sujet très vaste et il existe différentes approches sur le sujet. Dans certaines formes d’arts il est proposé de maintenir une complète présence avec l’aspect créatif, je pense ici à la calligraphie où certains maîtres parlent d’une instantanéité du geste lorsque l’intention, le pinceau, l’encre et le support ne font plus qu’un. D’autres vont parler d’une présence pure lorsque l’acte créatif, l’esprit et le média utilisé sont unis sans aucun parasitage de pensées sans rapport avec l’acte lui-même, ou de ce moment de précision, de clarté et d’espace qui envahit l’être au moment précis où la créativité s’exprime.
Ici je souhaiterais aborder la relation entre les deux au travers des qualités même de la pleine conscience et de la créativité.
Tout d’abord il nous faut considérer la créativité dans une approche qui n’a pas besoin d’être uniquement liée à une seule approche artistique stricto sensu. La créativité prend différentes expressions.
Lorsque nous décidons de réorganiser notre mobilier, de refaire les peintures, de changer l’ambiance d’une pièce. Lorsque nous ouvrons notre frigo, que nous regardons à l’intérieur sans grande inspiration mais qu’au bout du compte nous sommes capables de servir quelque chose qui apporte plaisir et satiété. Un problème apparait dans notre activité professionnelle et dans un moment de « génie » nous trouvons une solution.
Lorsque que nous fredonnons un air, dessinons un gribouillis tout en étant au téléphone, lorsque deux bout de ficelles, un stylo bille et un vieux morceau de chewing-gum sont notre solution pour sauver la situation.
Nous avons tous connu ces moments où, d’un coup quelque chose se passe, « la magie s’opère », où le génie s’exprime. La question qui hante les artistes, les managers, les techniciens, les parents devant un frigo avant de préparer le 5999ème repas: « comment la faire venir lorsque j’en ai besoin? »
Devons nous prier la muse? Invoquer le génie? Prendre des cours de cuisine? Ou devenir le cliché même de l’artiste maudit, s’illusionner de trouver dans des certaines substances le moyen d’être possédé au démon de la créativité?
Et si au lieu de savoir comment l’avoir à disposition nous nous demandions d’où vient-elle, sans obligatoirement vouloir déjà la contrôler à nos propres fins?
Avant d’aller plus loin peut être devrions nous approcher la créativité en tant que telle et non en tant que productivité. Il existe une différence entre ces deux approches.
L’une semble être incontrôlable, voir insaisissable. L’autre, la productivité est un but, une création contrôlée dans un but précis. Cela ne veut pas dire que ces deux aspect ne sont pas compatibles mais il nous faut peut être considérer qu’ils ont chacun des modes de fonctionnement extrêmement différents.
La créativité a une qualité d’instantanéité, brusque, elle jaillit depuis un lieu, un espace en friche de notre être. Bien sur nous pourrions expliquer au travers d’une analyse de nos conditionnements personnels et de notre vécu la forme que prend cette créativité, il ne s’agirait de la forme et non de la créativité elle même.
Lorsque j’étais étudiant en physique, j’ai entendu parler de ces découvertes qui ont été faites lorsque la solution est apparue dans un cadre totalement étranger aux recherches effectuées.
Un scientifique qui avait passé des mois à essayer de comprendre le mécanisme des échanges intracellulaires sans aucune solution ni réponse, et qui dans un moment de total raz le bol, est parti au cinéma et trouva la solution durant la séance.
Cet autre qui cherchant la formule chimique d’un composé pour stabiliser un matériau, est allé se coucher frustré et prêt à abandonner. Au milieu de la nuit il se réveille, écrit une série de formules sur un papier et au petit matin lorsqu’il compare son « éveil » nocturne avec les résultats de l’expérience, s’aperçoit qu’il a trouvé la solution.
Il nous est peut être arrivé au moins une fois dans notre vie de nous retrouver dans une situation où nous avions perdu quelque chose, où nous nous arrachions les cheveux pour trouver une solution à un problème, et puis nous laissions l’histoire de coté, nous baissions les armes de la conscience analytique, de la logique et nous laissions tombé. Là, venu dont ne sais où, s’élève une idée, une image, une réponse et instinctivement nous savons que c’est ça!
Il va de soi que si notre relation au problème, notre capacité technique, notre connaissance du média utilisé dans notre champs d’activité sont d’un bon niveau, la solution, l’acte créatif y sera proportionnel.
Si nous prenons le temps d’observer ce processus nous pouvons voir qu’il nous a fallu « abandonner », lâcher prise, ne plus être fasciné par contenu mais de revenir à une présence sans but, dans un espace d’accueil sans aucune orientation préétablie, sans format, sans intention, ouvert et détendu. Même si cette attitude ne dura que quelques secondes, le temps d’une inspiration, il a fallut que quelque part en nous, nous acceptions l’espace, l’inconnue et revenions à une qualité de présence.
Lors de la pratique de la pleine conscience nous sommes amenés à découvrir qu’il nous est possible d’être présent, pleinement conscients dans le souffle, dans les sensations sensorielles, dans la marche, le corps, en fait, dans la totalité de nos expériences humaines. Dans cette pleine conscience nous découvrons une qualité d’espace, une qualité de fluidité en relation avec nos expériences qu’elles soient du domaine des sens ou de l’esprit au travers de nos pensées et de nos émotions.
Nous acceptons de laisser les choses être et non de réagir, de constamment agir. Nous apprenons à fonctionner dans un mode qui allie attention claire et détente ouverte. Nous sommes réceptifs, mais pas impliqués.
Dans cette fluidité, cette attention ouverte, petit à petit nous découvrons que l’esprit est dans un acte créatif constant. Des pensées, images mentales, émotions s’élèvent constamment. Quelques fois sans grande vigueur, voire même rarement, à d’autres moments c’est le chaos total! Une éruption incessante de choses qui non ni queue ni tête, sans rapport les unes avec les autres, et à d’autres moment c’est obsessionnel, encore et encore la même rengaine.
Nous apprenons avec l’expérience de la pratique que ces différents états ne sont pas des repères pour mesurer notre degré d’expérience dans la pleine conscience. Par contre il s’agit de phénomènes qui nous montrent cette force créatrice de l’esprit.
L’approche des méthodes de la pleine conscience peut nous permettre de percevoir cette qualité inhérente à notre condition d’être vivant; il y a un potentiel créatif qui est naturellement présent et constamment actif.
Il s’agit de ne pas devenir un volcan incontrôlable où nous sauterions sur chaque idées, images, sensations qui nous apparaissent au cours de la journée, car il facile d’imaginer que nous nous épuiserions très vite ou que cela pourrait devenir, ou cacher, une forme de mal être.
Si nous commençons à approcher la créativité depuis l’espace de la pleine conscience nous allons tout d’abord toucher une qualité de présence, une présence non-orientée et simple. Dans cette simplicité nous commencerons à percevoir cette aspect créatif incessant tout en maintenant une qualité d’accueil sans essayer immédiatement de s’approprier, de faire, de contrôler mais de laisser le flot de cette rivière suivre son cours naturel pour devenir un fleuve puis un océan. Les vagues s’élèvent, l’écume jaillit et si nous avons le courage de les laisser d’exister par eux-mêmes, alors le cycle naturel de la création et de l’espace suit son cours. Les vagues n’ont jamais étées autre chose que l’océan malgré les apparences et l’écume une autre forme de l’océan. Il ya aussi une forme de dignité à laisser l’océan être océan, l’espace à être espace, sans immédiatement tomber dans l’agressivité du contrôle et du but à accomplir.
L’entrainement à la pleine conscience peut nous aider à contacter cette créativité naturelle et à apprécier son caractère insaisissable, tout en trouvant un accès plus simple et ouvert à cette capacité et en laisser les fruits murirent sans être dans l’angoisse, le stress et la peur que la muse nous ait définitivement abandonné.
Il reste un aspect de la créativité qui pourra être contacté au travers de la pleine conscience: cet aspect que nous connaissons tous, que nous nommons avec différents termes selon la situation mais surtout l’objet vers lequel il est exprimé. Cet aspect qui fait que nous sommes capable dans une instantanéité de ressentir une empathie, un sentiment, une douleur, un amour pour une personne, un animal, un personnage fictionnel. Cette qualité n’est elle pas aussi un aspect du principe créatif de notre être? et peut être le plus aboutit?
Stéphane Offort
note: plus d’informations sur ce stage prochainement sur euthymia.fr et sur la page facebook d’Euthymia
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