Un texte du Docteur Yasmine Lienard.
J’ai lu qu’aux Etats Unis, la méditation de pleine conscience est proposée aux soldats Américains pour les guérir de leur souffrance et leurs traumatismes mais aussi pour qu’il se sentent moins stressés. Ma réaction a été une grande stupéfaction. Que la pleine conscience puisse les aider à guérir d’un syndrome de stress post traumatique ou retrouver un peu de sérénité est tout à fait compréhensible, mais qu’elle les aide à mieux gérer leur stress et être plus performants dans leurs activités guérrières, n’est-ce pas totalement fou ?
En réalité, cela fait écho et éclaire mes crispations autour de la diffusion de la pleine conscience dans tous les domaines de la vie quotidienne et dans les médias.
La méditation peut être une technique formidable…la méditation « ça marche »…la méditation ça aide…oui et les témoignages enthousiastes ne manquent pas. On est moins stressés, on dort mieux, on maigrit…on a moins de cancer,nous dit on…Tous ceux qui donnent des conseils connaissent un fort succès et il semble y avoir comme une grande fête autour de ce succès…
Oui mais…De quoi parle t on réellement ? la méditation est elle une technique qui permet, peu importe l’orientation? C’est ce que l’on semble lire et entendre… Mais quelle est l’intention que l’on cherche ? S’est on seulement réellement posé cette question ?
Pourquoi est ce que je médite ? qu’est ce que je cherche réellement ? Et pourquoi est ce que j’ai le désir de faire méditer d’autres personnes ? Vers quoi est ce que je les amène ? Quelle est l’idéologie qui sous tend ma démarche ? Je ne crois pas que Bouddha méditait dans la même orientation qu’un coach en entreprise qui aide un patron de banque à mieux parler en public ou mieux vendre un produit, ou un soldat américain ? Quelle méditation et quelles intentions que celles de Jean de la Croix, ou bien Amma ? Ou David Lynch, ou le Pape François ?. L’idéologie de certaines thérapies est parfois la normalisation des individus et l’abrasion des émotions et des troubles du comportements pour s’intégrer au mieux socialement et donc suivre les idéologies dominantes qui ne sont pas toujours en faveur de l’homme en tant qu’individu libre. Maigrir, vivre sans maladies, être riche, c’est tentant. Mais est ce là notre véritable ambition ? Quelle est notre intention, notre aspiration profonde à nous?
Fabrice Midal met toujours en garde contre l’utilitarisation de la méditation pour le « bien être » et il n’hésite pas à suggérer que cette tendance peut cacher un refus radical de l’humanité réelle, qui tend à s’exprimer au nom d’un « bien fonctionner « selon des normes sociales.
Ainsi, je suis toujours un peu mal à l’aise quand on me demande de parler de la méditation et de la pleine conscience pour un but précis. Car pour moi, la méditation n’est qu’un acte d’ouverture non orienté vers un but, un rapport à la réalité radicalement nouveau, libéré du connu pour enfin commencer à exister dans son essence et participer de ce qui nous entoure, dont rien ni personne ne pourrait en définir préalablement les contours, au risque de dogmatisme, de dictature d’une pensée unique et de la privation de ce qui fait la beauté de la vie, c’est à dire le mystère.
Le mystère étant ce qui nous effraie, nous tentons par tous les moyens d’en éviter la confrontation en cherchant comment se rassurer, trouver des modèles, des modes d’emploi, des cadres et prévoir à l’avance. Si la méditation n’est pas cette lucidité dans l’épreuve, cet entraînement au courage de « tout bonnement » exister comme le dit si bien Fabrice Midal et de faire face à ce qui n’a pas de nom, ce qui est totalement incertain, alors qu’est ce donc ? Un outil qui ne fait que continuer à alimenter les racines de ce qui fait souffrir ? c’est à dire l’impossibilité de penser par soi même, et prendre la responsabilité d’une existence réelle, la nôtre dont rien ni personne ne pourra nous imposer la saveur.
Méditer pour commencer à méditer, voilà peut être une idée. Méditer pour commencer à exister et pleinement rentrer dans l’océan paniquant mais palpitant de la vie.
Je n’ai rien d’autre pour ma part à proposer.
L’Intention est la dimension la plus passionnante de l’existence humaine. Lacan n’évoquait il pas que la psychanalyse a comme intention d’aider les sujets à trouver leur question ?
Sans nous mentir, pouvons nous toucher le cœur de notre aspiration profonde, notre question, notre désir dans cette Vie là ? Celle qui donnerait cohérence à toute notre histoire. Est-ce cela la question du Sens ?
Yasmine Liénard