
Méditation thérapeutique, première étape ou finalité?
Yoga therapeutique, Qi Gong therapeutique, meditation thérapeutique… Thierry Borderie avec qui j’anime les sessions de Tai Qi Gong et méditation a attiré mon attention sur les risques de dérives que pouvait représenter le fait de limiter des approches de l’être global à une dimension purement thérapeutique.
Pour la voie bouddhique, c’est un peu plus compliqué car le bouddha lui même a défini son enseignement comme un remède, et lui comme un médecin. C’est sans doute sur le symptôme, « la maladie », qu’il faudrait discuter à une époque où la méditation de la pleine conscience entre autre tombe dans le champ du séculier.
La diminution d’un symptôme désagréable est souvent apparue comme la vocation d’un soin. Dans les traditions contemplatives comme le bouddhisme, on s’attache également à la cause de la souffrance. Il me semble que c’est un des points qui sépare l’approche basée sur la pleine conscience dans le programme MBSR et la tradition bouddhique.
Dans le programme MBSR, l’idée est encore de vivre bien, ou mieux dans le monde, de mieux gérer l’épreuve.
Cela ressemble à un type d’enseignement bouddhique qui insiste sur le fait d’avoir une vie la plus équilibrée possible « de servir les dieux », ou de « de vivre en harmonie » dirait on aujourd’hui. C’est un enseignement qui n’est pas propre à l’enseignement bouddhique, mais qui fait partie du corpus. Il ne s’agit pas d’atteindre un état spirituel, mais de mieux vivre dans le monde, dans cette vie et dans les autres, pour celui qui adhère à cette approche.
Cela suppose de reconnaître et d’abandonner les actes et les comportements qui déséquilibrent notre être et son environnement et au contraire de cultiver les comportements propices à l’équilibre et au développement de soi et de son environnement.
Je pense que l’approche MBSR se situe dans ce type d’enseignement, et ne prétend pas libérer le pratiquant des causes de la souffrance.
Dans cette perspective peut on tout de même assimiler l’approche de la pleine conscience du programme MBSR à une thérapie?
Il ne me semble pas, même si comme on nous l’a répété aux Center for Mindfulness « it’s not a therapy but it’s therapeutic ! ». Dans la mesure où la balance des émotions et du corps et favorisée et encouragée par ces pratiques, il est évident que les déséquilibres vont pouvoir s’apaiser dans une certaine mesure.
Mais réduire l’approche de la pleine conscience à un symptôme de malaise ou de douleur à dissiper, c’est également mettre de côté le fait que ce potentiel de pleine conscience n’est lui jamais contaminé par les douleurs, le malaise ou le tumulte, cette qualité de présence est globale et constante.
Marc Aurèle parlait de « fortesse intérieure » dans le sens où cette qualité d’être, reste inaccessible à la souffrance et échappe au devenir, sans pourtant qu’elle soit localisable ou identifiable.
Je pense que pour arriver à cela il est nécessaire de comprendre que la définition de la pleine conscience telle que l’envisage Kabat-Zinn est une définition de base, une porte d’entrée indispensable qu’il nous faut emprunter. Elle est nécessaire mais pas suffisante pour pouvoir accéder à cette qualité globale d’être.
Encore une fois, cette approche globale de l’être et de son expérience ne se situe pas forcément dans la voie bouddhique, mais une ouverture et une réceptivité qui nous mettra plus en lien avec soi et les autres, avec quelque chose en nous qui est toujours en bonne santé, quelque chose qui ne déprime pas et au de là des fluctuations de la vie auxquelles on peut s’abreuver pour peu qu’on se donne le temps et qu’on entretienne la forêt au cœur de laquelle gît cette source.
Les approches globales auxquelles appartenaient des techniques comme le Qi Gong ou le yoga avaient pour but de nous connecter à cette qualité d’être, mais un point reste à travailler : notre intention.
Celui qui s’empare de ces techniques, que recherche t il vraiment, vraiment vraiment? La question de l’intention demeure cruciale.
Au demeurant, que la pratique de la pleine conscience se limite à diminuer un symptôme est déjà une expérience fondatrice, mais on peut également en profiter pour ouvrir d’autres portes.