Journée Esprit Clair de formation sur les ruminations et l’évitement expérientiel- Mardi11 sept 2018

Je crois qu’il y a une émotion qui est souvent esquivée dans les approches émotionnelles et également par les thérapeutes eux-mêmes et sur laquelle je travaille de plus en plus : il s’agit de la honte.
La honte est un sentiment très déstabilisant car il renvoie à des peurs profondes et archaïques comme celle d’être exclu du groupe.
Or notre société a beaucoup de mal avec la honte, c’est-à-dire que celui qui se sent honteux, s’il l’exprime dans son corps, dans son attitude, dans son être, risque d’être véritablement exclu car un individu honteux perd tous ses moyens, tremble, se replie sur lui-même, perd sa concentration. J’ai longtemps eu honte d’avoir honte et j’ai refoulé totalement ce sentiment. Or, désormais, je l’accueille et c’est impressionnant de voir le nombre de fois par jour où il est présent. Je le ressens dans tout mon corps, j’ai envie de pleurer, je me rétrécis, j’ai l’esprit comme sidéré et je n’arrive plus à penser, tout en ressentant une immense tendresse qui me relie à la fragilité humaine et cela me renvoie à mon adolescence, quand je ratais un examen, ou que je jouais de fausses notes au piano. C’était terrible et je compensais en étant de plus en plus performante.
Mais aujourd’hui je ne veux plus m’empêcher de ressentir cela, ces moments où je suis si fragile, si sensible, où je me sens disparaître sous terre… Et je vois à quel point il peut être bénéfique car il me rend plus humble, plus consciente de mes limites et de mes besoins les plus simples. C’est donc vraiment nécéssaire de travailler avec les patients à ce qu’ils acceptent de rater, de ne pas être à la hauteur. Mais il faut aussi que la société puisse accueillir cela, voilà pourquoi le travail du psychothérapeute se situe toujours, à mon sens, à la lisière de l’individu et du groupe culturel. Soigner des personnes, c’est aussi soigner leur environnement pour qu’elles aient le droit de se déployer sans que la violence des jugements et du mépris viennent de nouveau refermer leurs cuirasses défensives. Aimons-nous et autorisons-nous à être de simples mortels ordinaires, parfois totalement boiteux mais aussi tellement humains.
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