
Par ma pratique de méditation, de yoga mais aussi par mon histoire familiale étant née au Maroc et ayant passé mes vacances là bas, et évidemment avec mon parcours de médecin, j’ai toujours eu un interêt particulier pour le corps humain. Très jeune j’aimais masser, palper le corps des membres de ma famille que j’aimais. C’était pour moi une façon d’entrer en intimité avec eux et leur montrer mon affection sans les mots.
Dans la tradition musulmane du côté de ma maman, le hammam a une place importante. Et je me souviens des heures passées avec les femmes de tout âge, aux poitrines opulentes, dressées ou tombantes où l’on se massait se lavait se regardait, sans qu’il n’y ait jamais de jugement. Juste le plaisir d’être ensemble. Par ailleurs le corps c’était aussi l’exaltation des 5 sens, par les saveurs, les épices, les parfums, le toucher des tissus, la danse également, la transe..
Ensuite lors de mes études de médecine, j’aimais pratiquer les examens cliniques et l’on me demandait souvent d’examiner le corps des malades pour aider au diagnostic car je crois que j’étais assez douée. En réanimation, les prises de sang et les radiologies sont utiles mais l’examen du corps lui même peut réveler de précieuses informations.Cela permet également d’interroger le malade, d’entrer dans un dialogue avec lui dans la confiance. Un pli de la peau trop important indique une deshydratation, des oedèmes aux jambes une denutrition etc.. et le fait d’être touché avec bienveillance a un effet relationnel sécurisant. Il existe de nombreuses thérapies psychocorporelles par le toucher (par exemple l’haptonomie) et aux Etats Unis de plus en plus pour soigner les traumas profonds, les troubles de l’attachement mais aussi les troubles de personnalité.
Lorsque j’étais chef de clinique à Sainte Anne dans l’Unité des troubles alimentaires, nous avions des patientes anorexiques très sevères. Là aussi, l’examen du duvet de la peau, le poul, l’augmentation des parotides liée aux vomissements, tout était important pour cerner la gravité de la maladie et les conséquences sur son corps.
Mon chemin personnel dans la méditation et le yoga et le fait d’être instructeur de pleine conscience avec mes patients en psychiatrie a changé ma façon de travailler radicalement et mis le corps au centre du travail psychothérapeutique. Et les études sceintifiques montrent de plus en plus pourquoi le corps est primordial pour soigner le psychisme.
- Tout d’abord, le corps est ce qui nous ramène dans le moment présent. L’exploration du souffle ou des 5 sens ancre dans la réalité de l’instant et permet de couper les trains d’association mentales qui constituent les fondements des ruminations ( des pensées sur le passé, le futur et qui créent des scenarii catastrophes par exemple)
- Ensuite, le fait de porter attention au corps aide à l’autorégulation physiologique. Si je prends conscience de mon estomac par exemple, j’aurais plus de chance de sentir la satiété. Chez les personnes boulimiques, les protocoles de pleine conscience ont un effet sur les crises par le fait de reconnaitre mieux la satieté. C’est très logique. Ecouter son corps nous donne les signaux de ses besoins et limites.
- Ensuite l’entrainement à la méditation a un effet sur le corps lui même, modifie la conexxion des neurones et les signaux, diminue l’inflamation des maladies autoimmunes.
- Le yoga mobilise le corps et redonne souplesse et tonicité. Le corps mis en mouvement rend l’esprit plus alerte et clair.
- Enfin beaucoup de problèmes physiques ont des conséquences sur le psychisme. Des personnes qui souffrent de maladies chroniques peuvent déprimer ou être anxieuses. la douleur influe sur l’esprit. Guérir le corps, le rendre vivant, en bonne santé, avec une alimentation plus saine a un effet sur la psychologie.
Ainsi aujourd’hui il m’apparait de plus en plus crucial de placer le corps au centre du traitement psychologique. Les médicaments ont parfois des effets secondaires qui affectent le système digestif ou font prendre du poids. Il ne s’agit pas de les bannir car ils sont souvent très importants, mais de mesurer à chaque fois leur imact de façon singulère avec le patient, d’entendre les informations que le patient donne sur son corps, de ne pas négliger le corps comme véhicule de guérison.Et d’auto guérison car chacun si il est vraiment dans la pleine conscience peut trouver ses propres ressources.
Aujourd’hui il arrive que j’examine le corps de mes patients en consultation, que je le masse, que je le touche, et que j’entame un dialgue plus profond et authentique par ce biais là avec ceux qui souffrent. Le dialogue en face à face est souvent une vitrine, une posture pour « avoir l »air » et souvent nos patients cherchent à nous plaire. Mais lorsque l’on masse et touche s’établit un rapport sincère et les tensions, les noeuds, les douleurs au ventre, la diffculté à bouger et ses conséquences sur l’humeur..tout cela se deploie et nous aide en consultation à avancer vers ce qui peut guérir.
Je ne peux donc que recommander vivement le retour à l’examen clinique dans les consultations psychiatriques et donner au corps toute son importance dans les soins psychologiques.
Belle journée!
Très beau partage merci! Étant devenue bouddhiste, la méditation m’a beaucoup aider à contrôler mes émotions et à faire face au tracas du quotidien!